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19 mai 2009 2 19 /05 /mai /2009 18:32

Concentrons-nous.

 

Fermons nos sens usuels.

Non, fermez plus fort. Prenez votre temps.

Non, sérieux, essayez.

Ouais, mettons que ça ira. Ouvrons notre esprit pour en percevoir de nouveaux. Non, faut ouvrir plus fort. Parce que là c'est l'épisode mystique alors faut y mettre un peu du vôtre, sinon vous allez galérer. Bon bref, disons que vous êtes balèze et que vous pouvez d'un claquement d'esprit vous trouver à la limite de votre conscience, mais pas du côté de l'inconscient, hein, précisément à l'opposé, là où tout est lumineux, limpide et évident. C'est pas évident justement donc imaginez, ou faîtes semblant. Bon.

Ca fera l'affaire.
Visualisons. Nos esprits sont au-dessus de la forêt étouffante. Pas physiquement, hein, le principe c'est qu'il n'y ait plus rien de physique. Plus de temps, plus d'espace. On ne pourrait pas vraiment ÊTRE au dessus de la forêt. Même, pour aller au bout du truc, on ne devrait même plus être capable de séparer les choses, on ne serait pas capable de dissocier ce qui est la forêt, de ce qui est nous, de ce qui est Bonhomme Poilu à La Tête Ronde, de ce qui est avant, après, ou maintenant. Nous serions juste une partie d'un Tout indissociable qui comprendrait l'espace-temps dans son intégralité, donc tout ce qui a été, est et sera, entre autres. À dire vrai, nous SERIONS le Tout autant qu'une partie de ce Tout. En fait nous SOMMES la forêt ET Bonhomme Poilu ET les MAJUSCULES DESAGREABLES. Nous sommes tout mais nous ne sommes rien tout en étant les deux à la fois et le moment et l'endroit où les deux se rejoignent.
Mais on va simplifier dans un soucis que sinon ya pas d'histoire et que c'était surtout pour mettre dans l'ambiance.
Donc nous flotillons spirituellement au dessus de l'esprit de la forêt étouffante, constitué des esprits de tout ce qui la peuple et la compose, et il s'avère que nous captons l'esprit d'une construction. Quelquepart entre les ramures. Nous voletons entre des masses d'eau condensées. Des nuages. Leurs esprits. Nous sentons l'humidité, mais vaguement, comme un souffle, une brise sans origine. Une caresse. Pure. Nous la traversons, appelés par la construction. La brise nous pousse, elle a saisi notre envie. Elle ne nous retient pas. Et nous guide. Elle sait nous être accueillante, mais nous pousse. Hors d'elle. Loin. Nous flottons.
La forêt.
Son esprit. Qui s'avère trouble en premier lieu, puis qui se fait plus vaste, plus imposant, plus clair. Nous frôlons des feuilles, des branches etherées. Limpide espace de temps végétal. Nous traversons une jungle obscure, faite de nos peurs primales. Nous les combattons, sereinement, car l'appel est fort et nous n'avons de barrière, nous n'avons de choix, nous n'avons de prière. Et soudainement, dans un plan hors du temps, la lumière.
Pure. Claire. Limpide.
Un espace fait de pierres.

 

"AAAHPUTAIN! CHIERBITECOUILLE!" La matérialité du temple venait à l'instant de se révéler à l'orteil de Bonhomme Poilu sous la forme d'un massif bloc de pierre habilement dissimulé sous la mousse.

Par une improbable invraissemblance du récit, il s'avéra que cette interjection bouleversa Le Coffre. Elle tomba lourdement dans son esprit et, raclant un peu de mousse mentale, mis au jour de lointains souvenirs qui s'élevèrent en volutes lumineuses et se mirent à vibrer. Il se sentit mal.

Bonhomme Poilu, non content de beugler de douleur, arrachait hargneusement les plantasses qui lui barraient la route en insultant leurs mères. Si bien qu'il découvrit, sous une pluie voltigeante de confettis verts, une ouverture creusée dans ce qui semblait être une paroie rocheuse grossièrement taillée. Il grogna un coup, agrippa une espèce de tête de serpent sculptée qui saillait et tira avec toute la force de sa détermination. Et comme il était très déterminé, il réussi à devenir tout rouge.

Il lâcha finalement prise mais se sentait terriblement frustré, comme si on lui coupait les fougères sous le pied. Il se calma donc en plantant ses dents dans une liane et essaya de recentrer son attention sur quelquechose de constructif. Il regarda autour de lui.

Le Coffre sentait croître en lui une bulle limpide et vibrante qui appuyait dangereusement sur sa raison. Et il savait, sans savoir comment, qu'à l'intérieur frayaient  ses frustrations, ses peurs, ses joies, ses pulsions, ses espoirs, ses hontes, son amour et tout un fatras complexe et grouillant du même acabit. Et il sentait confusément que tout cela cherchait à sortir, qu'il n'y pourrait rien, et aussi et surtout, qu'il ne le supporterait pas. Il y eu un instant de pause silencieuse, puis tout cela lui éclata dans la tête dans une grande farandole foutraque d'éjaculat mémoriel. En peu de temps, son esprit devint le théâtre d'un obscur bordel grummeleux et tourbillonant. Il avait besoin d'air, aussi, il prit l'air d'un fou.

Si la végétation était assez dense pour dissimuler un flanc de montagne à deux mètres, se dit Bonhomme Poilu, elle ferait l'affaire si jamais ils devaient se cacher de bestioles dotées de gros estomacs et de dents qui vont avec. Puis il se demanda combien d'estomacs y était déjà cachés, où menait ce foutu trou décoré avec des serpents et pourquoi Le Coffre tirait une telle tronche. Comme pour répondre, celui-ci sembla comprendre quelquechose et fonça dans l'ouverture en hurlant.

C'était la première fois, de souvenir de Bonhomme Poilu, que Le Coffre bougeait sans son autorisation -il me faut ici préciser dans un soucis d'honnêteté que les Bonhommes Poilus ne sont pas particulièrement connus pour la pertinence et l'efficacité de leur mémoire. Pour exemple, Bonhomme Poilu, à ce moment du récit, ne se rappellait pas pourquoi il avait une liane dans la bouche mais se souvenait très bien du nombre de fois où il avait déjà utilisé une spatule. La pénultième était d'ailleurs légèrement roussie à l'angle supérieur gauche. Quoiqu'il en soit, il sentait s'installer en lui le sentiment diffus mais tenace que tout virait en eau de boudin.

Il serra plus fort ses mâchoires et fut surpris d'assister à une jolie pluie de confettis de liane.

Il fit le point. Les hurlements de plus en plus lointains de Le Coffre, entroucoupés de bruits sourds de collisions, signifiaient qu'il s'enfonçait profondément sous la montagne et que l'obscurité ou la maladresse devait lui faire faire d'intéressantes rencontres matérielles. Au vu des circonstances Bonhomme Poilu pencha pour l'obscurité ET la maladresse.

Il décida de le suivre. Décision motivée en grande partie par le fait qu'il n'avait toujours pas de réponse à sa question concernant les estomacs et encore davantage par le fait qu'il ne voulait pas attendre d'en avoir une.

Il ordonna à La Torche de passer devant. Au moment où il ne reçu pas de réponse, il réalisa que La Torche était dans Le Coffre et qu'il lui faudrait faire le chemin dans le noir. Et seul.

Il fonça donc dans l'ouverture en hurlant et, pour les quelques estomacs alentours munis d'oreilles, interpréta une seconde symphonie pour coups sourds et hurlements.

 

(à s8vre...)

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